C’est trognon

Enfin! Je me suis accroché à l’idée d’aller en Nouvelle-Zélande comme un chacal sur un bout de gigot. J’ai consciencieusement ignoré tous les mous du genou qui me disaient « Bah laisse béton, Gros. Il y a plein d’autres endroits chouettes où aller » Enfin ! Je suis à l’aéroport d’Auckland. Mais tant que je n’ai pas passé toutes les formalités je refuse l’euphorie. Contrôle des passeports. Je n’ai jamais aimé cette formalité, encore moins à l’aéroport. On se trouve toisé de haut en bas comme étant un potentiel enquiquineur qui vient répandre sa tuberculose dans le pays. Pour que ça se passe le plus vite possible, je m’habille aussi correctement que possible à chaque frontière et je fais la queue derrière le guichet où le ou la douanière (c’est ça l’écriture inclusive?) semble la plus sympathique.

La Nouvelle-Zélande a une politique de bio-sécurité hyper-pointilleuse. J’ai réussi à montrer patte blanche et à prouver que je suis un individu sain et dé-tuberculisé, mon vélo, ma tente et mes chaussures de rando doivent en faire de même. Un gros moustachu qui rentre à peine dans son uniforme inspecte assidûment les pneus et les gardes-boue du vélo ainsi que mes chaussures de rando. Aucun bout de terre ne doit entrer dans le pays, d’hypothétiques germes potentiellement destructeurs pour écosystème très isolé de l’archipel pourraient s’y trouver. Pire encore pour les néo-zélandais, l’agriculture pourraient être ravagée par une vilaine bêbête invasive. Ma tente est aspergée d’un charmant produit chimique.

Il est 21h, je monte mon vélo avant de pouvoir monter dessus .La scène se passe sous une petite bruine devant l’aéroport.Je suis exténué par les 35h de voyage et les 12h de décalage horaire. Je monte pas vite mais j’y suis !

Je ne reste pas à Auckland, ce n’est pas la capitale bien que ce soit de très loin la plus grande ville du pays. Il y a un petit centre ville avec un bouquet de gratte-ciel, modeste et moche quand on se place en son centre, mais plutôt élégant lorsque l’on se trouve de l’autre coté de la baie. Immédiatement autour de ce centre, la ville pavillonnaire commence. Plutôt serrés les un contre les autres au début les jardins s’étirent proportionnellement à leur distance du centre. Tant est si bien qu’au bout de 40km les jardins deviennent des petits prés peuplé de moutons.

Je roule un peu plus de deux jours, direction sud-est. Il y à beaucoup de plantation de kiwis ou je devrais pouvoir travailler quelques semaines.

Alors là vous allez me demander naturellement pourquoi à peine arrivé je cherche déjà à travailler au lieu de savourer ces splendides paysages qui m’appellent. Et bien, le coût de la vie en Nouvelle-Zélande est assez prohibitif et je me suis promis de ne pas y dépenser un euros supplémentaire mais uniquement les dollars que je pourrais gagner sur place. J’atterris donc dans un backpacker du village de Katikati ou Parram, le manager originaire du Penjab, comme la quasi totalité des occupants du lieu s’occupe aussi de vous trouver un boulot dans les plantations de kiwis.

Il est très important avant de poursuivre mon récit de comprendre ce que c’est qu’un kiwi en Nouvelle-Zélande.

Kiwi :. Étymologie : du mots maori « Kivi-kivi »

sens 1 : Nom masculin Kiwi est le nom vernaculaire des oiseaux de l’ordre des apteryformes qui ne comportent de cinq espèces toutes endémique de la Nouvelle-Zélande. Les kiwis sont considérés comme des espèces menacées. Les kiwis sont des oiseaux terrestres incapables de voler de la taille d’une poule. Du fait de leur rareté et de leur caractère nocturnes ils sont difficiles à observer dans leur environnement naturel. Le long bec fin très caractéristique des kiwis en a fait l’un des emblèmes de la Nouvelle-Zélande. « j’ai eu la chance de voir un kiwi la nuit dernière, juste à coté de Haast »

Sens 2 : nom commun ou adjectif ; synonyme de Néo-zélandais, sous-entendu parfois néo-zélandais non-maori. Le kiwi oiseau est si bien identifié à la Nouvelle-Zélande que le terme désigne désormais dans le langage commun les habitants du pays « Les kiwis sont piètres cuisiniers mais de très bon mangeurs » ou tout ce qui s’y rapporte quand on l’utilise comme adjectif « le vin kiwi est bien meilleur que ce que l’on pense »

sens 3 : nom masculin. Kiwi est le nom vernaculaire des fruits de plusieurs espèces de lianes du genre Actinidia. Ces fruits originaire du sud est de la Chine sont également appelés « groseilles de Chine » Au début du vingtième siècle des cultivateur néo-zélandais font tout un travail de sélection des plants afin de faire grossir le fruit de la liane et de lui donner après plusieurs décennies d’effort le succès commercial actuel. Le nom s’impose facilement notamment grâce à un fort marketing néo-zélandais. La Nouvelle-Zélande est encore aujourd’hui le second producteur de kiwis au monde. Les néo-zélandais utilisent cependant plus fréquemment l’expression kiwi-fruit pour éviter les confusions avec les différents usage du terme.

Il y a aussi un vieux maori, sosie de Popey

Tout est mal organisé dans ce backpacker, Parram est un jeune homme trop gentil, incapable d’autorité face à ses compatriotes trop dispersés ou trop occupés à la fumette et à la picole. Je sympathise avec Satish, contrairement aux autres il n’est pas un sikh du désert du penjab mais un hindou des plaines l’Andhra Pradesch. Satish comme beaucoup d’autres jeune indiens est entré en Nouvelle-Zélande avec un visa étudiant et comme un certain nombre d’entre eux est resté dans le pays après l’expiration de son visa. La communauté indienne étant assez forte, surtout sur l’île du nord, les gens dans la situation de Satish trouvent encore du travail au noir grâce l’entre-aide communautaire. Satish a un « bon contact » pour un travail dans les plantations de pommes à Hastings 350km plus au sud. Je pourrais travailler légalement et lui au noir. Tout le monde y trouve son compte, notre employeur peut ainsi plus facilement présenter un bilan comptable crédible à l’administration fiscale. En effet en Nouvelle-Zélande toutes les administrations collaborent bien entre elles et l’administration fiscale ne manquera pas de prévenir l’immigration en cas de doutes. Satish prend le bus et moi le vélo malgré sa perplexité sur mon mode de transport favori.

Hastings est situé à 20 km de la côte dans une grande plaine agricole. La ville est dans l’ensemble assez moche. Où que l’on soit on a le sentiment de s’être perdu dans une zone commerciale et industrielle. Le seul modèle architectural qui jalonne ce quadrillage de rue désespérément parallèles et perpendiculaires les unes par rapport aux autres c’est le modèle « hangar » , des grand rectangles de tôle partout. L’axe principale de la ville est pollué par les vapeurs de malbouffe on y trouve sur un petit km de long : KFC, Mac Donald, Domino Subway, Burger King, Pizza Hut, un kebab, deux fish and chips, deux food truck à burger, un supermarché lowcost, des resto chinois, trois « bottle shop » (magasin d’alcool) entre autre … J’ai l’impression de prendre deux kilos a chaque fois que j’y passe.

Non j’ai pas honte d’embêter les poussins pour un jeu de mots très réussi!

Les hastingois sont nombreux à être des immigrés récents, la communauté indienne y est très visible aussi que la communauté tongienne qui aime arborer son drapeau sur les voitures, principalement les soirs de matchs de rugby.

Durant la saison des pommes de nombreux travailleurs du Vanuatu, des Samoas ou encore des îles Salomon bénéficient de visas temporaires de travail et colorent un peu la ville. Cependant j’ai une vision moins angélique que la plupart des gens sur se système de visa saisonnier accordés aux îliens. Les gars (mais aussi les femmes parfois) postulent dans des agences directement au pays. Les agences prennent tout en charge : les formalités de visa pour chacun, le trajet en avion, le travail sur place ainsi que le contrat qui va avec, tout les déplacements en Nouvelle-Zélande, le logement, le transfert des salaires au pays et le trajet retour le sur-lendemain du dernier jour de travail. Chacune de ces opérations justifiant un prélèvement sur le pécule finale de chaque travailleur évidemment. Les agences imposent un règlement très infantilisant à leurs recrues, interdisant à ces gens de boire de l’alcool ou même du kava, en toutes circonstances. A aucun moment ces travailleurs n’auront l’opportunité de changer de logement ou de travail si ceux ci ne leur conviennent pas. Et encore moins l’opportunité de voir autre chose qu’une plantation de pommes. Les différents gouvernement néo-zélandais sont très fiers de ce système qui selon eux est gagnant-gagnant car la Nouvelle-Zélande comble une partie de son déficit de main d’œuvre et les îliens dixit certains kiwis « gagnent eux même leur propre aide humanitaire » pour développer leur pays misérablement vulnérable aux cyclones. Une réflexion d’une arrogance effroyable. Le dernier gros cyclone du Vanuatu, le plus fort n’ayant jamais affecté ce pays a certes causé la mort de plusieurs dizaines de personne mais le chiffre est à mettre en perspective avec la chute de 50% de la population après la découverte du pays par les occidentaux.

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Selon moi, le système de visa saisonnier bien que vertueux à court terme est bien plus vénéneux qu’il ne semble. L’agriculture néo-zélandaise est horriblement polluante, les fermiers utilisent une quantité aberrante de produit chimique parfois de façon complètement stupide. Un exemple : du glyphosate le long des clôtures … déjà que les clôtures ne servent à rien, les pommes n’ayant que très peu d’autonomie spatiale… Ce modèle agricole hyper productiviste, complètement orienté vers l’exportation est en train de détruire l’environnement sanitaire de la Nouvelle-zélande est a besoin d’une grosse remise en cause d’urgence. Si vous mangez des pommes épluchez les sur deux centimètres de profondeur.

De leur côté en prenant l’exemple du Vanuatu que je connais, les mecs travaillent pour financer deux choses principales. Des maisons en ciment et en tôle, deux matériaux très cher à importer et souvent de mauvaise qualité qu’ils devront continuellement réparer tout comme leur maison traditionnelle dont les matériaux sont offerts par la jungle. Les Vanuatais on parfois besoin d’argent pour financer l’éducation des enfants mais de plus en plus ces gens éloignés six mois par an de leur île s’approprient notre modèle de consommation et se procurent toutes sortes de choses dont ils n’ont pas besoin mais qui font envie. Cela ne fait que rajouer un peu plus de fragilité et de dépendance à ces îles en fin de compte.

Je reste à Hastings jusqu’à début janvier le temps d’accumuler mois aussi, couvert de honte et de réalisme, un petit pécule avant de commencer véritablement mon périple au pays des kiwis, des maoris et des autres.

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A propos elievadrouille

Ami du velo et de la curiosité
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2 commentaires pour C’est trognon

  1. Marie dit :

    Merci de nous faire partager toutes ces découvertes et tes interrogations sur la vie dans cette partie du monde dont on nous parle peu (autrement qu’en mode touriste). Continue !

  2. magnifiques photos et périple vraiment intéressant. Merci pour toutes ces infos 🙂 Christian

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